Tramway T1 : un financement insuffisant, des tronçonnements aberrants, un prolongement inutile de la ligne
En dépit des vives oppositions exprimées depuis quinze ans notamment au niveau de Noisy-le-Sec, ses habitants refusant le saccage de leur centre-ville pour un projet largement inutile et extrêmement coûteux, le Conseil département de la Seine-Saint-Denis vient de voter sa part du protocole de financement du projet. En conséquence on aboutit ainsi à un montant total disponible de 350 M€ (dont 92 versés par l'Etat, 175 par la région IdF, 30 par la Seine-Saint-Denis et 3 par le Val-de-Marne). Ce total est largement insuffisant pour faire face au projet, estimé à 700 M. Le département a décidé d'ajouter 50 M€ au panier, sous forme d'avance sur les investissements à venir. Il faut se souvenir que le 93, financièrement totalement aux abois, ne cesse par la voix de Troussel, président PS du conseil départemental, de geindre partout qu'il est au bord du dépôt de bilan et ne peut faire face à ses engagements … Il ose même écrire : "Nous sommes très contraints, il y a beaucoup de dépenses que nous ne maîtrisons pas !". Tout financement affecté au T1 ne l'est qu'aux dépens de besoins et priorités effectifs, et tout particulièrement sur notre zone (voir plus bas). Tout ceci alors que le réseau francilien des transports ferroviaires est au bord de l'asphyxie, malade de sous-investissement.
Cependant on est encore loin du compte puisque l'on aboutit ainsi à un montant prévisionnel de 400 M€, alors que le coût prévisible de la réalisation du prolongement jusqu'à Val-de-Fontenay avait été actualisé à 700 M€… Il en découle que l'on aboutit à une réalisation prévue des travaux sur une partie seulement du projet, de la gare de Noisy-le-Sec jusqu'à l'arrêt rue de Rosny, où se situera (dans un premier temps ?) le terminus et le local de stationnement des rames, ce qui déclenche la fureur du maire de Fontenay, Gautrais (Front de gauche), puisque la ligne n'atteindra pas le terminus envisagé. Le prolongement jusqu'au terminus de Val-de-Fontenay (coût estimé de 100 M€) serait le cas échéant réalisé ultérieurement, la décision de son éventuel financement étant repoussé au CPER (Contrat de Plan Etat-Région) qui se tiendra en 2020. Cela est très loin de lever les interrogations sur la validité du financement annoncé, puisque les financements disponibles se montent au total à 500 M€ (400 + 100), alors que le coût global estimé du projet atteint 700 M€ …
Pourquoi ces coupures de lignes ?
On constate sur le plan ci-dessus les ruptures de ligne : à Bobigny la ligne sera tronçonnée à Pablo Picasso, obligeant les passagers venant de Bondy, Noisy, Romainville ou Montreuil et se dirigeant vers Drancy, La Courneuve, Saint-Denis ou plus loin vers Asnières à changer de rame, à l'aller comme au retour : très pratique lorsque l'on est accompagné d'enfants ou porteur de sacs ou de valises …
Par ailleurs le terminus se tiendra au sud à la station montreuilloise de Rue-de-Rosny, alors même que la seule partie de cette ligne (avec la section gare de Noisy / place Carnot pour laquelle un bus 105 amélioré pour un moindre coût suffirait largement) qui justifierait un trafic lourd de voyageurs (voir le schéma ci-contre) est le dernier tronçon avant le terminus à Val-de-Fontenay … tronçon qui ne sera pas desservi !
(voir la carte ci-contre). En fait cette justification de la coupure à Rue-de-Rosny s'explique par le choix retenu de réaliser le site de maintenance et de remisage sur la zone des Murs-à-Pêches, portant une atteinte irrémédiable à ce site. Ses défenseurs montreuillois du site apprécieront … Le projet d'entretenir et garer les rames à cet endroit est la conséquence de la coupure de la ligne du T1 à Bobigny : nécessairement il fallait trouver un site ad'hoc, celui-ci a été retenu sans strictement aucune concertation, même s'il n'était pas le seul possible.
Pourquoi cette priorité pour le T1 ?
D'autres projets, souvent bien plus utiles aux usagers, sont actuellement en attente, repoussés dans le temps ou suspendus sur le secteur : on peut citer le TZen sur l'ex-N3, dont la réalisation très attendue est bloquée faute de financement de la part du département (il manque 40 M€), mais aussi le prolongement de la ligne T11(Tram Express) depuis Le Bourget jusqu'à Noisy-le-Sec, dont l'éventuel financement est repoussé au prochain CPER en 2020. L'enquête publique sur le prolongement de la ligne de métro M1 jusqu'à Val-de-Fontenay, qui devait être lancée au second semestre 2018, a été repoussée à la fin 2019. En même temps la mise en route de la ligne de métro M15-Est a été décalée à 2030. Le prolongement de la ligne de métro M9 à Montreuil semble abandonné. Il paraît donc pour le moins curieux que le projet T1, absolument pas prioritaire et de plus tronqué, soit ainsi programmé alors que d'autres projets réellement utiles et attendus par la population sont repoussés dans le temps ou même annulés.
Un maire de Noisy-le-Sec à convictions variables
Qu'on en juge : Laurent Rivoire s'était fait élire notamment sur la promesse de refuser le massacre du centre-ville par le tramway. Rappelons le contenu de ses déclarations d'il y a encore quelque temps :
– "Contre le T1 rue Jean-Jaurès, le combat continue !";
– Nous sommes plus que jamais opposés au passage du T1 par la rue Jean-Jaurès qui causerait des problèmes considérables à l'ensemble des habitants, quotidiennement, en particulier en matière de sécurité";
– "Nous restons mobilisés contre le tracé Jaurès qui détruirait le centre-ville de Noisy. (…) Aucune autorisation de travaux n'a été ni ne sera donnée par la Mairie.";
– "T1 rue Jean-Jaurès : irresponsable et dangereux";
– "Le T1 par la rue Jean-Jaurès réduirait l'activité des commerçants, condamnerait les accès pompiers, augmenterait la pollution en centre-ville avec de gros embouteillages, supprimerait des centaines de places de stationnement, dont celles des livraisons et des personnes handicapées"
Votre maire
On rappellera par ailleurs que le préfet de région Carenco — portant ardent défenseur du tramway — avait reconnu en 2015 l'impossibilité du projet de passage en double voie du T1 dans une rue faisant par endroit moins de 14 mètres de largeur.
Changement total de pied il y a peu ! Dorénavant le passage du T1 est considéré comme porteur de la "requalification du centre-ville" par les édiles municipaux noiséens. Sont qualifiées "d'avancées décisives" l'abandon du muret central de la rue Jean-Jaurès (option rejetée depuis fort longtemps par les pompiers pour raison de sécurité), et celle de l'idée de circulation à double sens boulevard Michelet (ce dont TramNon avait démontré l'impossibilité il y a déjà plusieurs années …). L'exigence initiale de la part des autorités municipales d'une alimentation par le sol ou par batteries est tombée dans les oubliettes, tout comme celle du maintien paysager (200 arbres seront abattus).
Une réunion publique menée par un cabinet d'études (représentant un investissement de 300.000 euros) prévue en 2017, puis décalée en début 2018, a très curieusement été annulée, sans aucune explication. Cela est particulièrement scandaleux, puisque une énième étude d'insertion a débouché sur un nouveau projet, sensiblement différent de celui présenté lors de l'enquête publique. Il est essentiel que les options retenues soient, préalablement à toute décision, présentées aux Noiséens.
Olivier Deleu, en charge des transports à la municipalité, a lui également changé radicalement de pied. Il a affiché dorénavant son soutien au projet, sous réserve de certaines garanties (Revue Transports de septembre 2018), dont l'accroche des caténaires en façade, la mise en place d'une zone apaisée, la compensation intégrale des places de stationnement perdues, le réaménagement de certaines voiries. Cette question des 200 places de stationnement supprimées n'est en rien résolue, même si le maire de Noisy assure avoir un "accord verbal" d'Ile-de-France Mobilités : "Soit ils trouvent les places ailleurs soit on me donne 4 M€ (à 20.000 € la place) et je construis un grand parking public"; en vérité, il est vraisemblable que tout cela finisse par la construction d'un parking souterrain privé et payant. Aucune confirmation sur ce point n'a été fournie par les promoteurs du prolongement du tramway … ce qui n'empêche pas l'aval fourni par la municipalité en faveur de ce projet destructeur pour le cœur de ville de Noisy-le-Sec : que l'on imagine par exemple ce qui resterait de la vie commerciale comme sociale de la rue Jean-Jaurès, déjà bien malade, après plusieurs années de travaux et d'inaccessibilité au marché, alors que les habitants auront pris l'habitude d'aller faire leurs courses à Rosny !